MISERE
Misère, misère,
Que racontez-vous là?
Je vis dans l'opulence
Et vous ne le voyez pas
Toute cette culture à notre portée
Tous ces voyages que l'on ne peut pas se payer
Je suis comme une palourde
Je rêve de m'envoler
Mais je suis bien trop lourde
Des pâtes et du riz j'ai trop mangé
Faute de me nourrir décemment
Je ne peux plus décoller
Sur un mur de mon appartement
Des photos sont collées
Des souvenirs de gratte-ciel
Photos jaunies d'un passé
Qui m'a l'air virtuel
Me reste comme horizon
Ma cage d'escalier
Des gens montent
Un autre hausse le ton
Fermer la fenêtre pour un peu d'intimité
Misère, misère,
Mais que dites-vous là?
Je vis dans l'opulence
Mais cela ne se voit pas
Lorsque j'ai la tête pleine d'eau
Je vais faire quelques macros
Toujours le nez en l'air
L'air de ne pas avoir l'air
Je ne regarde plus le sol
Pour trouver un franc
Il n'y a plus un sol
Les gens n'ont plus d'argent
Le dimanche soir avant vingt heures
Je fais les poubelles du malheur
Je ne compte plus le nombre de fer à repasser
Qu'autour de moi j'ai distribué
Et combien d'autres objets
Que ceux qui déménagent ont laissés
Hier encore une casserole
Une statue un peu cassée
Dans cette société où tout est jetable
On jette même les personnes
Je trouve cela regrettable
Misère, misère,
Que pensez-vous de cela?
Je vis dans l'opulence
Et pourtant je n'y crois pas
Comme il faut bien sortir
Pour ne pas déprimer
Je m'invente un but de promenade
Et sors me ballader
J'imagine des bateaux
Descendant la rivière
Assise sur une pile de pont
Je regarde la mer
Mon esprit vagabonde sur la rade
Je me laisse la nuit
Pour ruminer mes soucis
Pour penser à ceux qui se nourrissent sur une décharge
Pour supprimer la misère dont la vie les charge
Je me souviens de ces jours de chance
Des jours où je travaillais
Sur la place de la mairie
J'écoute l'eau de la fontaine
Jouer ses accords mélodieux
Les gens qui passent ne me regarde même pas
Je n'existe pas à leurs yeux
Alors le visage face au soleil
Je fais abstraction des bruits qui m'entourent
Et je vois l'arc-en-ciel
Sous un nouveau jour
J'ai du mal à retourner à mon appartement
Cela fait mal de vivre dans sa vie d'avant
Il me faut faire le tri
J'ai beau en enlever
Y'en a toujours plus
Et rien à recycler
Misère, misère,
Que me dites-vous là?
Je vis dans l'opulence
Et je ne vous crois pas
Sur un mur un tableau
Que l'on m'avait donné
Des fleurs dans un broc
Joliment agencées
C'était pour me payer
Les heures que l'on ne pouvait me rétribuer
Peut-être qu'un jour il vaudra des millions
Je ne serais plus là pour encaisser le pognon
Un fauteuil, une chaise
Joliment restaurés
Souvenirs de ma thèse
En brocante effectuée
Un tapis tout râpé trône
Au centre de la salle
Je me sens un peu sale
Ma bergère est mon trône
Rien qu'à moi devant la télé
Au moins j'ai un toit
Même s'il n'est pas parfait
Combien doivent se contenter
D'une place sous un carton
Quitte à choquer l'opinion
Pour se réchauffer
Misère, misère,
Qu'est-ce que je raconte là?
Je vis dans l'opulence
Mais personne ne me croit
Les nuages s'amoncellent
Il fait froid je vais rentrer
Exprimer mes sentiments rebels
Sur une feuille de papier
Au moins j'ai une table
Sur laquelle je peux les aligner
Quelques personnes discutent
Et rient encore autour de moi
La solitude au milieu de la foule
Je ne veux pas que ce soit pour moi
Ce soir je phonerai à ma famille
Pour encore quémander
Un peu d'argent, quelques broutilles
Un peu d'amour à partager
Voilà il pleut, c'est foutu,
Je n'aime pas la pluie dans les rues
C'est râpé, je m'oblige à rentrer
Dans mon univers où la nature
Tient une grande part
Les torrents d'eau ne font pas
Partie de mon avatar
Misère, misère,
Pourquoi je pense à cela?
Je vis dans l'opulence
Je ne vous dis que cela
Les boites aux lettres sont remplies
De prospectus pour nous faire acheter
Des choses inutiles
Dont l'on devra se débarrasser
Je jette tout directement à la poubelle
Je ne veux pas m'encombrer
Mon esprit est encore dans les lumières
De ce beau jour d'automne
Pour une fois je n'ai pas confondu
Les feuilles dorées tombées à terre
Avec les crottes du chien du cimetière
Et voilà je suis trempée
Mais je n'ai pas pu résister
Afin de pouvoir conserver
Quelques bribes de cette fin d'été
Ce soir un ami va passer
Je ne sais pas à quelle heure
Il n'y a rien sur le répondeur
On va refaire le monde avec un petit café
Me manquera la terrasse pour le déguster
On parlera
On riera
Et puis chacun ira se coucher
Et puis chacun dans ses rêves
Verra le pays des riches
Qui ont accès à tout
Qui n'ont pas besoin d'un pied de biche
Pour sortir leurs sous
Qui se promènent les fesses à l'air
Des oreilles de lapin sur la tête
Car c'est bien connu l'argent ça rend fou
Je mets un dvd dans le lecteur
Pour projeter sur un écran
Les images d'un monde de peur
Où je sais que je ne suis pas dedans
Il m'arrive de confondre la réalité et la fiction
La réalité fait bien plus peur
Que les scénarios d'action
Misère, misère,
Ce que je vous dis là
C'est que je vis dans l'opulence
Mais ne me croyez pas
Un avocat et une tomate
Et puis aussi une patate
Sera mon repas de ce jour
Après avoir fait de mon horizon un grand tour
Oui, je vous l'ai dit
Je vis dans l'opulence
Je n'ai plus de crédits
A rembourser je pense
Et même si demain je n'ai rien à manger
Je peux encore compter sur les amitiés
J'ai appris à vivre au jour le jour
J'ai appris à compter
J'ai appris chaque jour
A mettre de côté
De mes années fastes me sont restés
Une vieille télévision et un grand canapé
Je n'ai pas les moyens d'aller au restaurant
D'aller au cocktail d'une grande exposition
Il me faut me contenter
De petits spectacles de quartier
Mais je ne me plains pas
J'ai un toit sur la tête
Et j'ai chaud dans mes draps
Mon armoire est remplie
De fringues achetées aux puces
Mon esprit est rempli
De milliers de petites astuces
Et puis je sais bricoler
Je suis avantagée
Et si quelquefois mon âme
Se perd en conjectures
Je n'en fais pas un drame
Ce n'est pas ma nature
A toutes les époques de notre ère
Il y a eu les pauvres et les nantis
Et qui va arranger mes affaires?
Ce n'est sûrement pas Sarkoki
Je regarde un peu autour de moi
La ville est belle mais je n'en suis pas le roi
Misère, misère,
Que racontez-vous là?
Je vis dans l'opulence
Et vous ne le voyez pas
Qu'il est bon en ces jours
D'être simple d'esprit
Au moins on a vite fait le tour
De tout ce qui vous détruit
Ces derniers temps
J'ai zappé les informations
J'ai fait l'impasse sur les changements
Et sur les inondations
Les tremblements de terre
Et les stars d'un Hollywood décadent
J'ai regardé la vie d'une autre façon
Un petit retour en arrière
Et puis on ferme les yeux
On ferme ses portes et son cœur
On fait ce que l'on peut
On laisse la notion d'entraide
A ceux qui en parlent le mieux
Mais qui ne la pratique guère
Misère, misère,
Quel est donc ce mot là?
Un mot comme la guerre
Un mot que l'on n'aime pas
Je vous l'ai dit
Je vis dans l'opulence
Mais l'opulence qui nuit
L'opulence de mes pensées
L'opulence de mes idées.
I'm like a bird, I want to fly away, I don't know where I'm going, I don't care what I'm doing, I just know who I am and that's enough for me...