Dans le cadre du festival Les Maimorables, Abd Al Malik se produira en concert à l'espace socio culturel municipal de Sainte-Croix (Bayonne) le dimanche 22 mai à 18h (gratuit). Rencontre avec un chanteur qui dérange.
À Bayonne, vous allez principalement chanter des titres de votre dernier album, "Château rouge". Album où vous quittez le slam pour un univers presque pop. Pourquoi ce changement ?
La musique est une maison et à chaque album, c'est une pièce différente que je montre. Il s'avère que j'ai commencé par le rap, puis je suis venu au slam. Aujourd'hui, j'explore un autre univers et demain, un autre encore. C'est une façon pour moi de ne pas m'installer dans un confort mais de me bousculer en permanence, d'aller toujours plus loin. D'où, aussi, mon envie de travailler avec des artistes différents.
Vous avez chanté avec Juliette Gréco, vous admirez Brel...
Et sur mon dernier album, j'ai travaillé avec Papa Wemba et avec Gonzales. Je crois qu'aujourd'hui, on n'invente plus rien en terme de genre musical, tout est là. En revanche, on crée des ponts, des connexions. On va là où on ne nous attend pas.
Avec, à chaque fois, le texte qui reste premier...
Les mots, ce sont le prolongement de notre âme. Ils sont donc essentiels et peuvent faire beaucoup de mal comme beaucoup de bien. Après, la musique, le jazz, la chanson, le slam, ce ne sont que des moyens de les faire passer. Ce n'est pas la forme qui importe, mais ce qu'il y a derrière : un coeur qui bat. Regardez chez vous : quand les gens parlent basque, c'est quelque chose qui vient de très profond en eux. Les mots, la langue, ce n'est que le prolongement de ce qu'on a en soi.
D'ailleurs, vous travaillez en ce moment sur d'autres projets, qui devraient vous permettre d'explorer encore d'autres formes ?
Oui, je suis en train de boucler un recueil de poésies, qui va bientôt paraître. Et je suis également en train d'adapter au cinéma mon livre "Qu'Allah bénisse la France".
Vous évoquez Allah. Quelle place a la religion dans votre vie ?
Une place importante, puisque je suis assez proche du courant soufi de l'islam. Mais c'est une spiritualité très personnelle qui me pousse à essayer de me changer moi-même avant d'attendre du monde qu'il change comme je veux. Et là encore, je redis la même chose : c'est bien de se dire religieux, mais qu'est-ce qu'il y a derrière ? La religion, ce n'est que la forme. C'est facile de se prosterner cinq fois par jour. Mais en quoi cela m'élève-t-il ? En quoi cela me pousse-t-il à partager avec mon frère juif ou chrétien ? Si ma religion n'est pas le prolongement de mon intériorité, alors elle peut être dangereuse. Elle peut être instrumentalisée par des terroristes.
Vous êtes déjà venu en concert au Boucau. Quel souvenir en gardez-vous ?
Excellent. Vous savez, je suis Alsacien. C'est un territoire avec une identité forte. Alors, quand je rencontre des gens qui ont, comme moi, un lien très fort à leur territoire d'origine, il y a quelque chose qui passe entre nous. Être attaché à son pays, ça a beaucoup de sens pour moi.
Savez-vous qu'en Pays basque existe une pratique ancestrale, le bertsu, qui pourrait être l'ancêtre du slam ?
Non, je ne connais pas cet art et cela m'intéresserait beaucoup d'en savoir plus. Ceci dit, je ne suis pas étonné de cette similitude. Car dans toutes les civilisations, la parole est au centre, elle est première. Ne dit-on pas "Au commencement était le Verbe " ?.
Propos recueillis par Amaury Guillem, Rédacteur en Chef au journal 'la Semaine du Pays basque'.
Article paru dans le journal du 20 au 26 mai 2011 page 46.
© Alicia Snicker.